« l’homme de la cave », le film événement Philippe Le Guay et François Cluzet « Le cinéma a le devoir de montrer »

Adapté de faits réels, Philippe Le Guay raconte dans L’homme de la cave, sorti sur les écrans, les conséquences de l’intrusion d’un négationniste dans la cave d’un immeuble, qui, en toute légitimité s’y installe. Face aux falsificateurs de l’histoire, face aux assassins de la mémoire, face à la déferlante de l’obscurantisme, voire à la « cancel culture », le cinéaste aborde un sujet jamais traité, l’obsession de remettre en cause la vérité « officielle », surla Shoah en particulier. Dans notre époque troublée, Le Guay espère que le spectateur puisse la reconnaître à l’avenir notamment sur les réseaux sociaux. « C’est comme si j’avais un devoir moral de montrer cela », explique-t-il. François Cluzet, pour sa part, explique : « si les acteurs ne jouent pas les salauds, qui le fera ? ». Question de responsabilité. Mais, au-delà du plaisir de l’interprétation, le comédien lui aussi considère l’importance de ce film pour pointer la sournoiserie des complotistes. À l’occasion de la sortie, Philippe Le Guay, son réalisateur, et François Cluzet, l’acteur principal, nous ont accordé un long entretien. On y parle de cinéma, mais aussi de l’engagement nécessaire face à la montée, si préoccupante, de l’antisémitisme. Au-delà de la fiction, le réel. Actualité juive : Comment est née l’idée ? Philippe Le Guay : C’est une histoire arrivée à deux de mes amis, la difficulté qu’ils avaient eue avec un homme auquel ils avaient vendu leur cave. Il s’est révélé être une sorte de néo-nazi. Ce récit qui m’a troublé remonte à une vingtaine d’années. La cave est un lieu hyperréaliste qui constitue un vrai enjeu matériel. On achète une cave pour stocker des archives, sauf que le personnage s’est installé pour de bon. Et c’est un lieu fantasmatique, on a toujours peur d’y descendre. On se souvient de l’époque où on était enfant et où on devait ranger pour nos parents ou quand la minuterie s’arrête. On entend des bruits étranges, on a l’impression qu’il y a des bêtes qui couinent. Le film se définit par ces deux ancrages, à la fois un lieu réel, mais qui a à voir avec la peur et l’inconscient. N’est-ce pas le plus politique de vos films ?P.L.G : C’est vrai. J’ai ressenti depuis un peu plus d’un an ce discours complotiste qui consiste à interroger la vérité officielle pour semer le trouble. J’ai éprouvé le besoin de décortiquer ce langage et d’en montrer les artifices masqués par la séduction. C’est en tant que citoyen que j’ai eu le désir de raconter cette histoire. Comment avez-vous imaginé le négationniste ?P.L.G : J’ai lu notamment Les assassins de la mémoire, de Pierre Vidal-Naquet qui raconte toute l’aventure de Faurisson, et je pense aussi à L’histoire du négationnisme par Valérie Igounet, qui analyse le phénomène dans tout le spectre idéologique et politique, de l’extrême droite à l’extrême gauche. Elle montre très bien que, derrière toutes ces constructions imaginaires, on trouve la haine raciale et l’antisémitisme. C’est ce que j’ai voulu montrer. Les habitants de l’immeuble sont comme une métaphore de la société…P.L.G : C’est vrai. On voit comment cette tache mentale qu’est le négationnisme est fondée sur l’irrationnel. On voit l’onde de choc qui découle de cette proposition folle, ça contamine les esprits. Certains pensent qu’il ne dérange pas, d’autres le contraire. Qui est coupable, qui l'a fait venir ? On cherche le bouc émissaire. À travers cette copropriété, j’avais l’exemple de la collaboration de Vichy, un microcosme confronté à la prise de position. Qui va avoir le courage de soutenir ou de s’opposer ? Un voisin ne serait-t-il pas prêt à mettre la lettre dans la boîte aux lettres ? On se disait qu’avec le Covid au moins là, on ne pourra pas accuser les juifs. Et c’est arrivé ! Le négationniste prend la place du juif. Dans les années 40, ils se cachaient pour échapper aux rafles. Il est lui la victime, et cela rend le face à face encore plus complexe. On se dit s’il prend la place du juif, où en est-on ? Comment avez-vous imaginé cette famille ?P.L.G : Comme dans la vie, je ne me pose pas la question si les gens sont juifs ou pas, j’ai ainsi donné le rôle de Simon à Jérémie Renier, et celui de son frère à Jonathan Zaccaï qui lui est juif. Seule leur complicité a compté pour incarner cette fraternité. Alors que Simon n’a pas d’attache particulière à son origine juive, il va malgré lui, se retrouver exposé à son histoire qu’il refusait de voir. La famille explose face à cette présence. Quand, Justine, la fille du couple se laisse sensibiliser par les propos du négationniste, n’est-ce-pas une mise en garde que vous adressez à la jeunesse ?P.L.G : Bien sûr, face à l’infiltration dans les réseaux sociaux où toutes les paroles s’équivalent. Ce qui fait qu’il n’y a plus de vérité. Même si Justine est éduquée, a du répondant, la fragilité de l’adolescence va servir de brèche par laquelle le discours du négationniste va entrer. Pensez-vous montrer le film en Israël ? P.L.G : J’adorerais y retourner à cette occasion. J’ignorais tout avant de m’y rendre, j’en garde un souvenir fort, des visites très impressionnantes à chaque fois. On y trouve une incroyable créativité culturelle, notamment au cinéma et pour les séries, en littérature aussi. À Tel Aviv, il y a une incandescence palpable que je n’ai jamais vue ailleurs. Et j’ai vécu de Jérusalem, la libération bouleversante de Gilad Shalit. Qu’est-ce qui vous révolte ? François Cluzet : L’humiliation. Tous ces gens humiliés, notamment les minorités attaquées. Depuis 2000 ans, les juifs ont servi de responsables de tous les maux. C’est odieux, ce sont des b ...

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