
La reine et les Juifs
Disparition de la reine Elisabeth II
Elisabeth II a toujours soigné sa relation avec la communauté juive britannique. En revanche, elle ne s’est jamais rendue en Israël. Les événements se sont bousculés ces derniers jours au Royaume-Uni. Quelques jours après l’élection de la nouvelle Première ministre Liz Truss, les Britanniques ont vu leur reine s’éteindre à l’âge de 96 ans, après 70 ans de règne. Quelles étaient ses relations avec la communauté juive et ses liens avec l’État hébreu ? Éléments de réponse avec le spécialiste de la Grande-Bretagne en Israël, Uriah Bar-Meir.
Eisabeth Alexandra Mary Windsor a régné pendant 70 ans. Née en 1926, elle accède au trône en 1952 pour n’en descendre que la semaine dernière, à 96 ans. Avec une telle longévité, il va de soi qu’Elisabeth II a traversé une grande partie des événements qui se sont déroulés au XXème siècle. À commencer par la Seconde Guerre mondiale. En dépit du conflit, sa mère refuse de quitter la Grande-Bretagne et bien qu’étant encore très jeune, Elisabeth participe à l’effort de guerre en incarnant la résistance britannique dès 1940 : à 14 ans, elle prononce même son premier discours radiophonique, destiné à rassurer et à donner du courage aux enfants britanniques. Même si la famille royale s’y oppose (en raison de son rang), Elisabeth choisit de s’engager activement dans l’Auxiliary Territorial Service, la branche féminine de l’armée britannique. Au lendemain de la Seconde Guerre, elle « assiste » à la création de l’État d’Israël, un pays qu’elle n’aura jamais visité. Compte tenu de l’histoire complexe qui existe entre l’Empire britannique et l’État juif, ce n’est sans doute pas un hasard. D’autant qu’Elisabeth II a été une grande voyageuse (117 pays visités officiellement au cours de son règne, dont des pays de la région, comme la voisine Jordanie en 1984) et qu’aucun autre membre de la famille royale ne s’est rendu officiellement en Israël (il y a bien eu des visites privés). Du point de vue israélien, il s’agit d’un boycott qui ne dit pas son nom. À titre officieux, on a pu expliquer dans l’entourage du palais que la reine préférait éviter les « complications » tant que la question israélo-arabe n’était pas définitivement réglée. Ce « boycott » qui n’a jamais été « formalisé » chagrinait considérablement les membres de la communauté juive britannique. Pour autant, tout au long de son règne, Elisabeth II a conservé des relations tout à fait cordiales avec les dirigeants israéliens et entretenu des relations teintées de bienveillance avec les représentants de la communauté juive de son pays. Les Juifs britanniques ont toujours mis en avant leur fidélité et leur gratitude à l’égard de leur reine. « Aucun mot ne peut décrire pleinement l’ampleur de la perte de notre nation », a déclaré le Board of Deputies of British Jews dans un communiqué après l’annonce du décès d’Elisabeth II. Le grand rabbin du Royaume-Uni, Ephraim Mirvis, vient également de rappeler combien la reine entretenait une relation chaleureuse avec la communauté juive : « Son affection pour le peuple juif était profonde
et son respect pour nos valeurs était palpable ». Et de souligner son « engagement particulier pour les relations interconfessionnelles et la commémoration de la Shoah ». Pourtant, en 1996, au cours d’une visite en Pologne, Elisabeth II avait été d’abord vivement critiquée pour ne pas s’être arrêtée au camp d’Auschwitz (elle se rendra finalement in extremis au mémorial juif d’Umschlagplatz à Varsovie). En 2015, lors de sa dernière visite officielle à l’étranger, en Allemagne, accompagnée de son mari, le prince Philip, elle se rend au camp de Bergen-Belsen (qui avait été libéré en 1945 par l’armée britannique). Éric Keslassy