La Turquie se montre de plus en plus menaçante vis-à-vis de l’Europe et semble retrouver les accents impérialistes passés de l’Empire Ottoman. Afin de décrypter les réelles intentions du président Erdogan, nous avons interrogé le géopolitologue Frédéric Encel, récemment auteur des 100 mots de la guerre (PUF, 2020) et de l’Atlas des frontières (avec Hugo Billard, Autrement, 2021). Comment peut-on expliquer les nombreux signes de défiance de la Turquie à l’égard de l’Europe ? Frédéric Encel : Erdogan est d’abord fort de la faiblesse de l’Union européenne en matière de défense et d’affaires étrangères, et davantage encore quand il n’y avait pas de pilote dans l’avion OTAN. Aussi inconséquent sur les questions européennes que sur bien d’autres, Donald Trump avait laissé un blanc-seing à Ankara non seulement dans la zone de l’Alliance mais aussi dans l’espace contrôlé par nos alliés kurdes contre les barbares de Daesh face auxquels – soit dit en passant – Ankara avait manifesté un certain laxisme… La Turquie ne peut pas continuer à bénéficier des avantages substantiels de l’OTAN sans en respecter ni l’esprit, ni la lettre. Or entraver les visites dans la base stratégique d’Inçirlik, acquérir de performants missiles russes et violer les eaux territoriales de la Grèce, c’est fouler aux pieds l’alliance.En second lieu, il apparaît sans cesse plus manifeste que le président turc souhaite incarner un double statut : celui, politique, de nouveau sultan, au sens néo-ottoman du terme, et celui, religieux, d’un nouveau calife, à savoir un guide religieux de l’islam sunnite qu’il conteste à l’Arabie saoudite au demeurant. Cette double posture, tant qu’elle restait dans une dimension sémantique et symbolique, pouvait passer. Dès lors que le pouvoir turc agit comme s’il souhaitait sé ...

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